Comment la carte BTP facilite-t-elle la lutte contre la fraude sociale ?
Le travail illégal représente aujourd’hui plus de 10% du PIB en France, et personne n’est gagnant dans ce système frauduleux, que ce soit les salariés, les employeurs, les donneurs d’ordre ou même la collectivité. La fraude sociale déstructure tout le secteur économique du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP). Comment ces préjudices se manifestent-ils ?
Pour :
- Les salariés : en fraudant, ils renoncent à une partie de leurs droits sociaux.
- Les employeurs : ils sont victimes d’une concurrence déloyale.
- Les donneurs d’ordre : leur responsabilité est engagée, ils risquent de graves poursuites judiciaires.
- La collectivité : l’employeur qui ne déclare pas ses salariés ne remplit pas toutes ses obligations envers sa collectivité.
Des milliers d’emplois sont occupés illégalement, c’est pourquoi la nouvelle carte BTP a été mise en place par le Gouvernement depuis le 22 mars 2017. Elle remplace l’ancienne carte et concerne plus de 2 millions de salariés et 500 000 entreprises. Cette nouvelle carte est la réponse longuement attendue à une demande forte des professionnels du secteur. Les entreprises du BTP attendent beaucoup de cet outil pour faire face au travail illégal et à la concurrence déloyale.
En quoi consiste cette carte BTP ?
C’est une carte d’identification professionnelle qui permet de faciliter le contrôle à la fraude sociale. La carte BTP est obligatoire et chaque salarié doit l’avoir sur lui dès lors qu’il se rend sur le chantier. Ainsi, l’identification des personnels sur les chantiers du bâtiment et des travaux publics est simplifiée.
Le périmètre de l’obligation porte sur les salariés « effectuant des travaux de bâtiment ou de travaux publics », y compris intérimaires et travailleurs détachés.
La carte BTP est personnelle, infalsifiable et obligatoire pour tous les professionnels du bâtiment. Employeurs, salariés et donneurs d’ordres peuvent désormais travailler dans une plus grande confiance et sérénité. Travailler en sachant que l’on respecte les règles est toujours plus rassurant, surtout pour un donneur d’ordre qui avant, ne pouvait pas vérifier le statut des salariés provenant d’entreprises sous-traitantes.
Sur les chantiers de courte durée, identifier les salariés était une difficulté : ils avaient le temps de terminer leur mission et de s’en aller. Employés intérimaires comme travailleurs détachés sont maintenant identifiables en un coup de scan !
Source : Photo by Zhipeng Ya on Unsplash
Qui est concerné par la carte BTP ?
Tout salarié accomplissant des travaux, organisant des travaux ou dirigeant ceux-ci sur un chantier doit avoir sur lui une carte BTP, quel que soit son contrat : CDD, CDI, Intérimaire ou contrat de détachement d’une entreprise étrangère, même s’il ne vient travailler que de manière occasionnelle.
Les travaux pour lesquels la carte BTP est obligatoire sont :
- L’excavation ;
- Le terrassement ;
- L’assainissement ;
- La construction ;
- Le montage et démontage d’éléments préfabriqués ;
- Les aménagements ou équipements intérieurs ou extérieurs ;
- La réhabilitation ou la rénovation ;
- La démolition ou la transformation ;
- Le curage ;
- La maintenance ou l’entretien des ouvrages ; et
- La réfection ou réparation.
Sont également visés :
- La peinture et le nettoyage afférents à ces travaux ; et
- Toutes les opérations annexes qui y sont directement liées.
Les seuls professionnels présents sur le chantier n’étant pas concernés par cette carte sont les architectes, les diagnostiqueurs immobiliers, les métreurs, les chauffeurs, les livreurs et les coordinateurs en matière de sécurité et de protection de la santé (CSPS).
Il en est de même pour les stagiaires, les salariés commerciaux et les services supports des entreprises.
Comment obtenir une carte BTP ?
Dès l’embauche ou le détachement, l’employeur du secteur des travaux de bâtiment ou des travaux publics doit faire la demande de carte BTP pour son salarié.
S’il s’agit d’un salarié intérimaire, c’est à l’entreprise de travail temporaire de le faire. Pour les salariés intérimaires détachés, c’est à l’entreprise utilisatrice de faire la demande.
La demande se fait en ligne et est payante. Le prix unitaire est de 10,80€. L’employeur doit créer un compte en ligne sur www.cartebtp.fr, aucune demande ne peut être faite par courrier.
La demande doit comporter les éléments suivants :
- Nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité du salarié ;
- Numéro de Siren et raison sociale de l’employeur ;
- Adresse, durée du chantier ou date de début et de fin de la prestation ou des travaux pour les salariés détachés et les salariés titulaires d’un contrat de chantier ; et
- Une photo du salarié au format numérique Jpeg.
Enfin, l’employeur doit procéder au télépaiement par virement ou carte bancaire.
Une attestation provisoire sera envoyée directement après la validation et le paiement de la commande. L’employeur doit l’imprimer et la remettre à son salarié en attendant la carte officielle. Elle peut être présentée lors d’un contrôle. Dès réception de la carte BTP, l’employeur doit la transmettre à son employé sans délai. Avec ces mesures mises en place, il n’y a plus d’excuse !
Tout travailleur devient identifiable sur le chantier, et ce en deux temps trois mouvements !
Quels éléments figurent sur cette carte ?
Cette pièce personnelle, pour le cas des intérimaires, présente une photo d’identité récente du salarié, la mention «salarié intérimaire » ainsi qu’un Q/R code, (élément qui permet le scannage de la carte lors des contrôles). Elle est valide cinq ans à compter de la date de délivrance et est établie sur demande de l’employeur.
Les cartes des salariés non intérimaires contiennent en plus la raison sociale de l’entreprise, son numéro de SIREN, et parfois son logo. Elles sont valides pour toute la durée du contrat. Si un contrat CDD est renouvelé sans interruption, la validité de la carte peut être prolongée par l’employeur.
Les cartes des salariés détachés non intérimaires comporteront la mention « Salarié détaché », et les cartes des salariés intérimaires détachés, la mention « Salarié intérimaire détaché ». Elles seront valides pendant la période de détachement.
Un salarié intérimaire conserve sa carte BTP durant 5 ans et peut la réutiliser pour différentes agences d’emploi. L’employeur doit mettre à jour les données dès lors qu’il y a un changement de lieu de mission ou un renouvellement de contrat.
Source : Photo by Ricardo Gomez Angel on Unsplash
La carte BTP en action sur les chantiers
Cet outil facilite le contrôle des inspecteurs du travail lorsqu’ils se rendent sur un chantier. A l’aide du Q/R code, ce petit code-barres carré sur fond blanc, les informations principales relatives au salarié et à l’entreprise qui l’emploie sont visibles après scannage. Il n’y a pas de réglementation sur la manière de porter la carte, elle peut tout aussi bien être rangée dans une poche du salarié, ou être placée dans un étui spécifique à ses vêtements de travail comme un emplacement sur le casque ou sur la poitrine. Elle peut à tout moment être demandée sans délai par l’inspecteur, mais aussi par le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage du chantier. Difficile de passer entre les mailles du filet !
En cas de travail illégal, le donneur d’ordre est considéré comme un receleur par la justice. Sa responsabilité pénale personnelle peut être engagée. En effet, avec la nouvelle carte BTP, il devient impossible pour un donneur d’ordre de dire qu’il ignorait la situation de ses employés devant la justice car la carte BTP peut être exigée par tout donneur d’ordre.
Cette carte vient compléter les mesures législatives réglementaires mises en place depuis des années pour renforcer les mesures juridiques mises en place contre la fraude sociale. Ces mesures sont le fruit du travail des professionnels du bâtiment avec les services de l’Etat pour lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement. Il s’agit de réduire les risques pour les travailleurs et les pertes d’opportunités économiques pour les entreprises.
Comment la carte BTP aide à traquer les fraudes ?
En cas de fraude sociale et de manquement à l’obligation de déclaration des employés, un employeur risque jusqu’à 2 000 € d’amende par salarié non déclaré ou par infraction. De quoi faire réfléchir ceux qui seraient tentés d’ignorer l’obligation de déclaration… D’autant plus qu’en cas de récidive dans l’année qui suit la première amende, ils risquent 4 000 € par salarié non déclaré.
Le montant de l’amende, toute infraction ou salarié non déclaré cumulés, ne peut pas dépasser les 500 000 €.
L’inspecteur du travail n’est pas le seul à pouvoir contrôler les chantiers. D’autres administrations comme la police judiciaire, les impôts et douanes ou les organismes de Sécurité sociale peuvent aussi effectuer des contrôles.
Enfin, le donneur d’ordre peut utiliser un lecteur de Q/R code pour détecter une carte frauduleuse. Il ne peut cependant pas avoir accès aux informations de la carte comme peuvent le faire les agents habilités avec le flash de leurs appareils.
En cas de fausse déclaration, un employeur risque des poursuites pénales. La sanction peut mener à un maximum de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Une sanction qui fait aussi réfléchir à deux fois.
Attention aux arnaques relatives à la carte BTP !
La carte BTP suscite de l’espoir quant à la défense des professions du Bâtiment. Mais elle inspire aussi certains prestataires peu scrupuleux qui profitent du caractère obligatoire de cette carte pour la proposer à des sommes beaucoup trop élevées, d’autant plus que ces cartes ne sont pas PRO BTP. Pour éviter de vous faire escroquer, gardez bien en tête que la carte BTP est délivrée uniquement par l’Union des caisses de France (UCF) au prix unitaire de 10,80€. C’est un titre d’identité officiel et le prix reste le même, quel que soit le type d’entreprise.
Certaines entreprises ont toutefois besoin de conseils pour créer un compte sur www.cartebtp.fr, le site de l’UCF délivrant les cartes, et fournir les informations sur leurs salariés. Elles peuvent faire appel à un tiers, mais en prenant garde aux organismes qui demandent des rémunérations abusives.
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Un changement de comportement professionnel grâce à la carte BTP…
Après 8 ans de crise dans ce secteur, le redressement du BTP connaît des fraudes sociales massives qui se diffusent encore et continuent de le freiner.
En 2012, le gouvernement a pourtant fixé des objectifs prioritaires à la lutte contre le travail illégal comme la lutte contre toutes les formes de travail dissimulé, la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre des prestations de service internationales ou encore le contrôle des opérations de sous-traitance en cascade.
La profession du BTP a de nouveau sollicité les pouvoirs publics en 2015 afin que la responsabilité du donneur d’ordre dans le secteur du BTP soit imposée.
Pour aider la croissance de l’activité, le premier ministre a mis en place trois mesures :
- le renforcement des sanctions judiciaires pour les fraudeurs ;
- le renforcement du pouvoir de sanctions judiciaires des préfets ; et
- la généralisation de la carte BTP pour faciliter les contrôles.
En août 2017, 525 000 cartes étaient délivrées et 171 000 étaient déjà commandées. Un changement de comportement professionnel a été remarqué dans le secteur du BTP dans différentes régions françaises.
La carte BTP semble attirer le secteur du BTP vers une concurrence saine et une meilleure protection des droits sociaux.